La confrontation a enfin eu lieu. La présidente du groupe Renew au Parlement européen, Valérie Hayer, 38 ans, et le président du Rassemblement national et eurodéputé, Jordan Bardella, 28 ans, ont livré jeudi 2 mai, sur BFMTV, leur première bataille dans la campagne pour les élections européennes. Les deux têtes de liste ont pu se déployer, loin de leurs omniprésentes figures tutélaires, Emmanuel Macron pour la première, Marine Le Pen pour le second.

Valérie Hayer et Jordan Bardella étaient très attendus, alors que le candidat du RN est confortablement installé en tête des intentions de vote, à 32 %, loin devant la représentante des macronistes, à 17 %, selon une étude Ipsos publiée lundi 29 avril. Elle, qualifiée de bosseuse et compétente, mais méconnue du grand public, avait pour ambition de percer le plafond de verre. Lui, décrit comme une « coquille vide », dans « la dissimulation » et « l’esquive », mais véritable influenceur avec plus d’un million d’abonnés sur le réseau social TikTok, devait apporter la démonstration de ses capacités sur le fond des dossiers.

Durant deux heures vingt de duel, chacun a fait valoir ses arguments sur la sécurité, le pouvoir d’achat, la taxation des superprofits, l’Ukraine, l’agriculture et l’immigration. Si Jordan Bardella, plus rodé aux rendez-vous médiatiques, a souvent pris l’avantage, Valérie Hayer, d’abord peu assurée, s’est défendue, suscitant parfois l’agacement de son rival. Appelés à se définir réciproquement en début d’émission, leurs qualificatifs ironiques – le « culot » pour lui, le « courage » pour elle – se sont révélés assez justes.

Nationaliser le scrutin européen du 9 juin

Se déclarant « profondément européenne », la tête de liste de la majorité présidentielle avait à cœur de débusquer son adversaire, estimant que « le combat pour l’Europe, c’est aussi le combat contre l’extrême droite ». Elle l’a d’emblée attaqué sur sa « duplicité » et a pointé son absentéisme au Parlement européen : il « raconte ce qu’il ne vote pas et ne vote pas ce qu’il raconte ». Valérie Hayer a aussi demandé à Jordan Bardella de clarifier sa position sur « Jean-Marie Le Pen (qui) a été le déshonneur de votre famille politique pendant cinquante ans ». Reprochant à sa rivale d’appeler « au secours » le fondateur du Front national, le président du RN a répondu que « les propos de Jean-Marie Le Pen étaient des propos éminemment antisémites ».

Attelé à nationaliser le scrutin du 9 juin, le candidat d’extrême droite a appelé à « sanctionner la politique d’Emmanuel Macron ». Sur la sécurité, il a estimé que « l’immigration est devenue le pire carburant pour la violence de rue et l’insécurité dans notre pays ». « J’ai l’impression qu’il y a un éléphant dans le salon et que vous êtes la seule à ne pas le voir », a-t-il asséné. Sur l’agriculture et l’écologie, il a accusé les macronistes « d’avoir plongé notre Europe dans la décroissance ».

Vifs échanges sur le soutien à l’Ukraine

La question de l’Ukraine a donné lieu à de vifs échanges. « Les positions du président de la République sont dangereuses », a jugé Jordan Bardella, alors qu’Emmanuel Macron a de nouveau assumé, dans un entretien publié jeudi par The Economist, la possibilité d’envoyer des troupes occidentales au sol en Ukraine. « Pourquoi n’êtes-vous pas allé en Ukraine ? », a demandé Valérie Hayer à Jordan Bardella, lui reprochant un « soutien de façade » à Kiev. « Madame, la guerre, c’est du sérieux, ce n’est pas de la morale », a-t-il répliqué, critiquant sa visite fin mars en Ukraine pour « se faire prendre en photo » et la mettre ensuite sur les réseaux sociaux.

« Je crois que j’ai touché la corde sensible prorusse de M. Bardella », a poursuivi Valérie Hayer, accusant le RN d’être la « courroie de transmission du Kremlin ». « Moi, je suis un homme politique totalement libre », a rétorqué Jordan Bardella, accusant à son tour le parti présidentiel Renaissance d’être financé par un « parti politique européen qui s’appelle l’ADLE (Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe) » qui serait financé par des grands groupes américains comme « Microsoft, Amazon et par Facebook ». Un financement auquel l’ADLE a renoncé après les élections européennes de 2019.